Lamproix
Furlong de Serapia senior et son fils, financier
Dans sa chambre aux murs de papiers peints réguliers, Lamproix Furlong de Serapia junior fixait le
plafond. Dans cet univers de parallèles et d’orthogonales, une fissure traçait
son chemin irrégulier et diagonal. Il se tenait assis, au milieu de son lit à
barreaux. Son monde se découpait en bandes égales, se répétant à l’infini.
Il attendait son père, peut-être.
Parfois, dans un continuum autre, un être lui ressemblant, mais
considérablement plus grand, fripé, lent, un peu voûté, avec une odeur forte,
caricaturale, venait à lui. De son orifice buccal provenaient des sons et des borborygmes indistincts, mais
la mélodie qui les sous-tendait illustrait la joie ou la colère,
décrivait l’indifférence ou l’inquiétude.
C’était son père,
peut-être
Une autre personne venait le prendre, le laver, le changer,
le poser de nouveau dans son lit à barreaux, qui était redevenu net, ordonné,
parallèle, avec un parfum de propre et d’étrangeté. Quand il fermait les
yeux, des images venaient. Moins maintenant.
Plus petit, par éclats il se rappelait, qu’il rêvait de
voler. La fenêtre passée, les immeubles en face diminuaient au sol, et le
cristal du ciel s’étendait, sans limite. Il volait, sans peur, sans crainte, et
le soleil comme une fontaine de lumière jaillissait dans l’espace bleu et
infini. Le sol était un passé gris que
quelques touffes de vert tentaient d’égayer.
Mais c’était avant.
Maintenant il savait… sentait. C’était moins confus.
Ce
sentiment de liberté était aussi agréable que dangereux. Ce qui était sûr, c’était
la rigidité des barreaux du lit, la linéarité des lames du parquet, le
parallélisme du papier peint, la rectitude sombre des meubles .Et quand le géant revenait, il comprenait mieux. Pas les
mots, mais le sens général. Maintenant il savait qu’il ne fallait pas faire
confiance. Que s’ouvrir était s’affaiblir. Il savait que les barreaux, les
bandes parallèles du papier peint, étaient des garde-fous. Que derrière erraient
l’inconnu, la sauvagerie, la barbarie.
Ses habits le serraient maintenant.
Quand venait le géant, des sons revenaient, prenaient forme,
presque sens. « monfiss » lui
faisait plaisir et peur. Il y sentait un amou… une reconnaissance, mais aussi
une demande, une responsabilité ? Il sentait ensuite qu’il devait se méfier de la
domestique qui le lavait et lui changeait les draps. Il voyait bien que la voix
lui parlait différemment à cette personne,
tombait, comme à plat, sans possibilité de recours.
Mais quand elle s’adressait à lui, la voix montait,
espérait, enjoignait. Il se sentait
faire partie d’une chose, d’un monde plus grand, plus net, plus précis. Ce n’était pas de l’enthousiasme, il n’aurait
pas su ce que c’était, mais une petite fierté solide, qui le mettait à part
de la servante, et le liait, le reliait
à la voix.
Il grandissait, il le
savait, devenait fort.
Un jour il serait la voix
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