Alphidophore Alahzen
Alphidophore Alahzen était le descendant en courbe sinueuse
du grand Abu Ali al-Hasan ibn al-Hasan ibn al-Haytham, dit
Alawi com Alahzen, dont je parlerai une autre fois.
Alphidophore appartenait à une
famille hors norme, résultat d’un brassage de langues et de cultures riche et
complexe. Son grand-père avait fait fortune dans la vente d’yeux en gros. Le
père de celui-ci, marin, avait échoué sur l’ile d’Argos. Il y découvrit une
espèce de paons dont les plumes de la queue arboraient un œil chacune. Il nomma
ce paon le paon optique, en ramena quelques couples en France et en fit
l’élevage.
Au bout de nombreuses sélections,
il obtint un paon optique possédant des yeux caudaux de différentes tailles et
couleurs. Il les déclina ensuite en yeux myopes pour les étudiants en médecine,
biologie et tout travail de précision, hypermétropes pour les marins, les
voyageurs, hallucinés pour les visionnaires, de velours pour les tailleurs, de
biches pour les voleuses, les gros yeux pour les parents et les profs, etc. Il fit aussi toute une gamme oculaire
esthétique, où les iris pouvaient être de toutes les formes et de toutes les
couleurs.
La copie illégale fit se répandre
bien vite des yeux torves, louches, chassieux, voire chiasseux, des yeux pas frais à la douzaine,
des yeux comme des trous de pine, qui regardent en dedans, à tel point qu’à un
certain moment, il valait mieux être aveugle dans un royaume des gens sourds à
la raison qui essayaient de se procurer de l’optique à l’œil
Aldiphophore grandit alors que le
commerce familial périclitait à vue d’œil.
Voyant qu’il était inutile
d’essayer de contrôler un marché qui leur avait échappé, le jeune Aldi se mit à
réfléchir. Au départ il tenta avec peu de succès de se lancer dans le commerce
de bouches. Mais il ne s’était pas attendu aux mauvaises langues à la dent dure
qui par le bouche à oreille annihilèrent ses efforts. Après avoir pris langue
avec elles, il arrêta les frais à temps.
Il se lança par la suite dans la
vente de nez mais tomba sur un bec. Manqua de courage pour la vente d’estomac
et de tripes. Et c’est par hasard qu’il découvrit sa voie, la voie lacrymale.
Alors qu’il se lamentait un peu sur
son sort, il écrivit une bluette qu’un ami chanteur reprit. Le succès fut
immédiat
De vendeurs d’yeux, il devint vendeurs de larmes, et put ainsi
humecter tous les regards qu’il ne vendait plus
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