dimanche 23 septembre 2012

Franz ENSTEIN


Franz Enstein était le cadet d’une famille de tempranogrades qui fuirent  l’instabilité politique et les famines de leur Moravie natale pour s’installer dans les sombres montagnes des Karapates.
Ses parents,  intellectuels brillant, l’éduquèrent dans l’amour de l’universalité, mais n’oublièrent jamais la culture fantasque qui les avait vus grandir. En Moravie,  le culte des morts fait partie de la vie quotidienne, et l’humoriste parisien Désiré Grandin blaguait :  « dans ce pays on voit les morts ravis et on envie les morts à tel point qu’on en est mort à vie « (bruit de cymbales, rires dans la salle)
C’est dans l’isolement de l’immigré, en  la nature austère et sauvage des forêts obscures des montagnes noires de la Karapatie que le petit Franz développa un goût désespéré pour la connaissance, les sciences, et celle qu’il préférait entre toutes, celle qu’il appelait la science magique, la biologie, car elle étudiait le seul phénomène physique qui fut miraculeux : la vie
Le premier plus beau jour de sa vie, comme il le raconta dans ses mémoires : « Mémoires bleues outre-mort » aux édition du Horla, fut le 13 septembre 1888. C’est ce jour qu’il réussit pour la première fois à ressusciter une anoure bicéphale qu’il venait de disséquer. Il venait de réussir l’impossible, réparer un batracien comme on répare une montre.  A partir de ce jour, il n’eût de cesse de faire revivre les morts. Malgré quelques échecs (Mathusalem, Dracula, le cerveau de Britany Speares) ses réussites de plus en plus nombreuses lui apportèrent une gloire considérable et le statut de demi-dieu vivant. Il fut convoqué par les familles les plus riches d’Europe. Mais les problèmes engendrés par ses exploits furent nombreux, et surtout, inattendus. Alors qu’il venait de redonner la vie à la princesse Euthanasia Von Hesse, proche cousine du prince de Karapatie, Il fut accusé de détournement de fonds, abus de confiance, crime de lèse-majesté, de meurtre à l’envers, insulte à la mort, blasphème, etc. En effet, la princesse n’avait pas été empoisonnée par hasard, et le fragile équilibre que sa mort avait apporté venait d’être rompu par Franz. Une guerre de succession éclata, durant laquelle sa famille, déjà déshonorée par les accusations envers leur brillant cadet, finit par être décimée. Lors de la mise à sac du château des Hesse par les Kaspar, Franz put s’échapper de sa geôle, et fuit alors vers la France.
Il y changea d’identité et se fit dès lors appeler Francis Enstein.
Essentiellement glabre, comme la plupart des tempranogrades, Francis, autant pour coller à la mode de la moustache que pour altérer son apparence et n’être ainsi point reconnu, se laissait pousser les poils du nez, et cette particularité, couplée à son caractère farouche qu’un accent âpre ne faisait qu’aggraver, le contraignait un célibat qu’il n’arrivait pas à s’expliquer.
Profondément changé par les récents événements de sa vie, il décida de ne plus jamais ressusciter qui que ce fut, et se mit petit à petit à penser à l’élaboration de la vie plutôt qu’à sa restauration. Constatant que le monde était corrompu, seule la création d’une vie nouvelle avait des chances d’atteindre un idéal de perfection
Aussi fut-il bouleversé quand lors de la rétrospective de Eusébio Praxitelos, il vit ce que le sculpteur appelait lui-même son chef-d’œuvre : La création de la femme
 . Ce fut le deuxième plus beau jour de sa vie.
A partir de ce moment là, Franz sut ce pour quoi il était destiné : donner vie, par la science, à l’œuvre d’art.


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